L'écriture comme une libération. Parce que le faux-soi qu'on porte sur les épaules, le 'soi-disant', est trop étriqué. Parce qu'on suffoque et sans savoir pourquoi. Parce qu'au dedans, il y a autre chose, qui ne peut pas sortir. Un océan et un lac sombre. Les sentiments. D'amour, sans doute, mais de folie aussi. Oui de passion, d'amour dévorant, comme la lumière de l'esprit, comme la lame et comme la haine, comme la hargne, la beauté et la mort.
Un besoin si longtemps réprimé d'être, sans faux-semblants. Casser les conventions, casser les codes. Retenu dans sa gangue par les on-dit et la peur. Par l'angoisse de se voir en face et ne plus se connaître, que tout s'efface alors. De libérer le fauve, le monstre qui gronde et rôde au fond de soi, lacérant de griffes, bête vorace d'appétit et aux dents acérées, et puis de perdre la clef, de nous perdre en pensant nous retrouver. Peur qui nous taraude et nous retient, angoisse de notre différence, de notre singularité irrémédiable, de perdre les autres, leur attention, à jamais, de l'amour rejetés, et de voir nous échapper quoi que ce soit qu'on pensait posséder. Petite quantité de sens dans une nuit d'absurdité, mais qui ne cesse de glisser et fuir, tellement qu'il nous faut serrer les poings pour tenter de retenir... Alors, les mains fermées et les doigts gourds de serrer sur nos paumes, l'on n'ose pas non plus voir si quelque chose demeure, à l'intérieur, si quelque chose subsiste, après la peur. Puis les jours passent, ils tombent comme des milliers de guillotines, et le compromis qu'on a fait, sans le savoir, inconsciemment, en oubliant la folie de l'enfant, la joie et la souffrance coupables de l'innocence - perdue l'innocence - en laissant libre cours au règne de la raison, à ce despote et sa pâle lumière, ville froide aux murs marbrés, pensée raisonnable, vieil Eldorado déserté où plus âme n'habite, Descartes qui prend le pli, qui fait son jeu, qui n'a jamais raison sinon que seulement de ne plus avoir tort, douane où tout est mesuré, où plus rien qui dépasse ne passe, car il faut raison garder, et où l'existence, toujours repliée sur elle-même, recroquevillée, se glace de ne plus respirer, le compromis donc avec cette vie, ces apparences, avec la trotteuse métronome qui passe et passe, sans jamais se lasser, en maintenant sa danse, qui garde sa cadence de boulier-compteur, qui nous ronge le cœur irrémédiablement, mais sans coup férir, sans prévenir, sans jamais s'arrêter : " Focalise ton espoir sur le temps qui viendra, le tu verras ", mais le temps lasse et ne rend pas la monnaie. On se sent vide, quelque chose qui pleure au fond de ne pas être écouté. Peur de cette nudité.
Mais on est nu.
Depuis toujours on est à poil devant la vie.
Dès lors pourquoi cacher ce feu intérieur, qui brûle, désespérément, et nous dévore, plus encore de ne pas trouver la sortie ? Pourquoi conserver toujours cette eau retenue, ces maux en travers de la gorge, ne pas la laisser se déverser sur la terre aride dans la vallée, elle qui se meurt de ne pas être abreuvée ?
Dès lors pourquoi cacher ce feu intérieur, qui brûle, désespérément, et nous dévore, plus encore de ne pas trouver la sortie ? Pourquoi conserver toujours cette eau retenue, ces maux en travers de la gorge, ne pas la laisser se déverser sur la terre aride dans la vallée, elle qui se meurt de ne pas être abreuvée ?
Tu peux oser prendre la mer. Prendre une hache et trancher. Te libérer de l'entrave, du licou, de ce nœud insensé qui t'attache. Imprègne-toi de l'odeur du grand large !
Sens cette force subite lorsque tes mains s'emparent de la barre... cette sensualité du gouvernail et de son bois travaillé. Entends les cris fous des mouettes, des goélands, et vois comme ces oiseaux se laissent porter par le vent, suspendus, irréels, immobiles dans l'espace. Souviens-toi de l'albatros ! C'est la jubilation des tempêtes ! Sois, désormais, timonier de toi-même. Aime-toi assez pour oser être toi. Peu importe où tu vas, là n'est pas l'importance ; ne cherche pas à savoir à l'avance. Accepte seulement d'être et d'être en partance, car "être" c'est devenir ! Va sonder l'insondable. Fais-toi confiance. Largue les amarres. Ose et deviens-toi !